Lors de l’Intra-African Trade Fair (IATF 2025), la Fiat Grande Panda, premier véhicule assemblé en CKD (Completely Knocked Down) à l’usine de Tafraoui, près d’Oran, a déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais c’est l’interview exclusive de Raoui Beji, PDG de Stellantis El Djazaïr – la filiale algérienne du géant automobile – en marge du lancement du modèle à la veille de l’événement africain, et son prix reçu à la clôture du salon qui révèlent les coulisses d’une ambition industrielle mesurée et pragmatique. Entre détails techniques, perspectives d’export et reconnaissance internationale, Beji dresse un portrait nuancé du projet qui marque un tournant pour l’Algérie automobile. Voici ce qu’il faut retenir de ses propos.
Le décor est planté au Jardin d’Essai du Hamma, le 4 septembre, veille de l’ouverture officielle de l’IATF 2025. Alors que la vidéo de présentation des chaînes de montage de Tafraoui tourne en boucle, Raoui Beji, figure clé de Stellantis en Algérie, prend la parole pour notre rédaction. « Nous avons choisi l’IATF, un événement majeur, pour communiquer sur ce jalon historique pour l’industrie automobile en Algérie et dévoiler le modèle qui va être fabriqué pour la première fois en CKD« , explique-t-il avec une assurance forgée par plusieurs années d’expérience dans le monde de l’automobile, et un parcours solide : entré en 2003 chez PSA Peugeot Citroën comme analyste financier, il a occupé des postes en supply chain et gestion de production avant de devenir, en 2023, le patron de Stellantis El Djazaïr. Cette expertise se ressent lorsqu’il détaille le processus CKD : « Le ferrage et la peinture de la caisse sont faits en Algérie, comme vous l’avez vu dans la vidéo. »
À Tafraoui, opérationnelle depuis décembre 2023, les kits arrivent démontés pour un assemblage complet, intégrant dès le départ 20 % de composants locaux – pneus, batteries, faisceaux électriques, panneaux de portes. Avec 13 fournisseurs algériens déjà mobilisés, Stellantis cible un taux de 30 % d’ici 2026, créant un écosystème naissant qui pourrait générer des milliers d’emplois indirects.
La Grande Panda, dont la production en série démarrera sous peu après les unités de présérie prévues fin septembre, s’inscrit dans une stratégie précise. Remplaçante de la Fiat 500 dans le catalogue local, elle se positionne entre cette dernière et le Doblò, tous deux assemblés à Oran. Misant sur la fiabilité et l’accessibilité, son prix promet d’étre interessant grâce à l’intégration locale qui réduit les coûts. Dans un marché algérien où l’assemblage CKD est devenu la norme depuis le gel des importations en 2023, ce modèle vise à répondre à une demande croissante pour des véhicules compacts et abordables, avec 60 000 unités prévues en 2025 et 90 000 en 2026.
Mais Beji voit plus loin. Interrogé sur les ambitions à l’export, il répond avec une prudence stratégique : « Notre ambition est régionale et mondiale, et même dans le cahier des charges, l’export est important. Le modèle qu’on propose aujourd’hui est compatible avec le marché africain. »
La présence d’Olivier François, CEO mondial de Fiat, venu présenter la Grande Panda à Alger, renforce cette vision. « Nous travaillons pour satisfaire le besoin de nos clients en Algérie et, parmi nos plans, on sera ouvert à l’exportation« , ajoute Beji, soulignant le soutien du groupe Stellantis et des autorités algériennes.
Si l’usine de Tafraoui, qui a déjà produit 140 000 Fiat depuis 2023, devient un hub pour l’Afrique du Nord via la ZLECAf, cela reste un objectif à moyen terme, freiné par des défis logistiques mais porté par un contexte favorable.
Le point d’orgue de l’IATF 2025 fut la remise de l’Africa Automotive Show Award à Raoui Beji, au nom de Stellantis, lors de la cérémonie de clôture. Dans un post LinkedIn, il traduit l’émotion du moment : « Honoré de recevoir le prix Africa Automotive Show à l’IATF 2025 au nom de Stellantis ! Ce prix reconnaît avant tout le parcours industriel de l’Algérie, incarné par la Fiat Grande Panda fabriquée localement, dévoilée à l’ouverture du salon et mise en lumière lors du Automotive Show. Moins de deux ans après l’inauguration de Tafraoui, voir ce modèle produit en CKD est un jalon historique pour Stellantis et pour le pays. Ce succès repose sur le soutien précieux des autorités algériennes, la confiance de nos partenaires et l’engagement de nos équipes. Merci aux organisateurs de l’IATF pour cette reconnaissance. Ensemble, nous écrivons un nouveau chapitre pour la mobilité en Algérie, avec un modèle qui peut inspirer tout le continent. » Ce prix, au-delà du symbole, consacre les efforts d’une équipe et d’un pays pour bâtir une industrie durable.
En somme, à travers les mots de Beji et cette distinction, la Fiat Grande Panda en CKD apparaît comme un projet structuré, loin des effets d’annonce. C’est une étape vers une industrie automobile algérienne plus autonome, avec des perspectives d’exportation encore balbutiantes mais prometteuses. Tafraoui n’est pas seulement une usine ; c’est un signal que l’Algérie veut jouer dans la cour des producteurs automobiles.