Dans les bureaux de la Direction des travaux publics de Bouira, une réunion de crise vient de s’achever, convoquée en urgence face à l’hécatombe qui se joue sur l’axe Lakhdaria-Bouira, et plus particulièrement dans la tristement célèbre descente de Djebahia. Ce tronçon de l’autoroute Est-Ouest, véritable artère vitale du pays, est devenu le théâtre d’une tragédie routière qui ne cesse de s’amplifier.

Autour de la table, un aréopage d’experts et de décideurs. Le Directeur des Travaux publics préside cette assemblée inhabituellement large : commandant de la compagnie de sécurité routière de la Gendarmerie Nationale, représentants de la protection civile, directeur des transports, émissaires de la Société algérienne des autoroutes. Tous réunis pour décortiquer les causes d’une situation devenue intenable.

Les chiffres donnent le vertige : 73 000 véhicules empruntent quotidiennement ce tronçon, dont près d’un cinquième sont des poids lourds. Une densité de trafic qui met à rude épreuve l’infrastructure et multiplie les risques d’accident. Mais le nombre seul n’explique pas tout.

Au fil des discussions, un constat s’impose : la surcharge chronique des véhicules lourds joue un rôle prépondérant dans cette macabre équation. Ces mastodontes surchargés, aux systèmes de freinage mis à mal, deviennent de véritables dangers publics dans la descente de Djebahia. L’usure prématurée des glissières de sécurité, incapables de jouer pleinement leur rôle protecteur, aggrave encore la situation.

Mais la responsabilité ne saurait incomber aux seuls poids lourds. Le comportement des conducteurs est également pointé du doigt. Non-respect des feux de signalisation, vitesse excessive, manœuvres téméraires : autant de facteurs qui transforment chaque trajet en roulette russe.

Face à ce sombre tableau, les autorités tentent de réagir. Plusieurs pistes sont évoquées, allant de la réduction drastique de la vitesse autorisée à la limitation stricte du tonnage des camions. Des mesures qui, si elles étaient appliquées, pourraient changer radicalement la physionomie de cet axe stratégique.

Cependant, au-delà des solutions techniques, c’est toute une culture de la route qui est remise en question. Comment inculquer le respect des règles de sécurité dans un pays où l’urgence et l’individualisme semblent trop souvent primer sur la prudence collective ?

La descente de Djebahia est devenue, bien malgré elle, le symbole d’un défi plus large : celui de la sécurité routière en Algérie. Chaque accident mortel qui s’y produit résonne comme un échec collectif, une vie brisée de trop.

Les décisions prises lors de cette réunion auront des répercussions bien au-delà de ce tronçon meurtrier. Elles pourraient bien marquer un tournant dans la politique de sécurité routière du pays tout entier.